Aujourd’hui, de partout sur la planète, les mêmes questionnements, les mêmes angoisses. Cette humanité est devenue presque tout entière reliée par un même destin. » C’est pour cette raison que l’artiste s’est octroyée la liberté de ne pas expliquer son exposition dans une note d’intention. Elle a laissé, au contraire, les visiteurs faire leur propre jugement et distinguer la noirceur des plages blanches, ou voir pointer cette lueur d’espoir même si elle y est parfois imperceptible. Son installation de masques réalisés en mixed media cloîtrés derrière de fins barreaux en fer et dont le regard fixe et absent semble pourtant interroger l’observateur – Face to face – rappelle que chacun de nous est un personnage de la toile de Reem Yassouf. Chacun de nous est l’acteur de cette vie qui se déploie sous nos yeux. Et chacun de nous a son histoire inscrite dans ces silhouettes qui se profilent sur la toile. Les histoires d’amour, de maternité, de paternité, de peur, de ralliement, de querelles, de révoltes, de guerre et de résistance se lisent dans l’attitude de ces grappes d’humains qui se rassemblent en groupes, en ligues et en processions, réclamant leur droit le plus cher : celui à la vie et à la liberté. « Je suis peut-être une et unique, dit Reem Yassouf, mais aussi double et multiple. Je peux aujourd’hui plier la tête, mais la relever le lendemain. Je peux rester immobile mais aussi danser. D’ailleurs c’est pourquoi j’ai donné comme intitulé à mon exposition : “Dance for…”. »
Pour l’artiste, la danse est la meilleure expression du corps. À travers les âges, avant que l’audiovisuel ne naisse, cette discipline artistique a exprimé tant d’émotions. « Remarquez tous ces corps qui se déplacent sur le bitume des routes dans toutes les villes du monde. Leurs mouvements ne sont-ils pas ceux empruntés à la danse ? Celle-ci, quoique guidée par un rythme et par un chorégraphe, est cependant une expression libre et libératoire. » Cet appel à la liberté est paradoxalement représenté par ces fils extrêmement indicibles qui traversent les toiles. Le fil est certes toutes ces chaînes dont les êtres humains tentent de se débarrasser, en dansant. Mais c’est aussi, et avant tout, ce destin qui les relie l’un à l’autre parfois d’une manière invisible. Ceci porte un autre nom : on appelle ça un grand élan d’amour et d’humanité.
Par Colette KHALAF \ L’Orient-Lejour 2018
Technique : Mixed Media & Collage On Canvas